vendredi 18 mai 2012

Prix de l’eau : les sept leçons de « l'opération transparence » et l'objectif d'un débat public

Le 21 mars 2011, le magazine 60 Millions de consommateurs, la fondation France libertés et le média social Owni lançaient ensemble « l’opération transparence ». Un an après, ils ont tirés le premier bilan de cette campagne de longue haleine  

Plus de 9 000 personnes se sont inscrites sur le site Internet collaboratif www.prixdeleau.fr, manifestant ainsi leur intérêt pour cette opération. Parmi les factures qu’elles  ont adressées, près de 4 000 étaient complètes et exploitables. Elles ont permis, entre autres, de calculer le prix réellement payé par les usagers, en fonction de leur tranche de consommation.
Pour approfondir l’analyse, ont été sélectionnées 220 de ces factures, en respectant les parts de marché des principaux intervenants; elles ont été auscultées ligne à ligne. 60 millions et France-Libertés en ont  tiré sept leçons principales.

1 - Une facture d’eau, c’est une véritable usine à gaz

Une facture d’eau comprend trois parties. La première correspond à la distribution de l’eau potable ; la seconde, au service d’assainissement collectif, si l’abonné est raccordé à un tel service ; la troisième, aux diverses taxes et redevances (lutte contre la pollution, modernisation des réseaux de collectes, etc.).
Cela donne des documents très denses, parfois incompréhensibles, avec des dates qui se chevauchent, des prix qui n’augmentent pas au même moment pour la distribution et l’assainissement, des taxes aux intitulés totalement ésotériques… Comment, dans cet embrouillamini, vérifier si l’on a payé le juste prix ?

2 - Pour les prix, c’est vraiment la loterie

Pour comparer ce qui est comparable, il est d’usage de rapporter le prix à une facture type de 120 m3, ce qui correspond à la consommation annuelle moyenne d’un foyer français.
C’est ce que nous avons fait, à partir des 220 factures sélectionnées pour une analyse approfondie : les tarifs reconstruits vont de 2,26 €/m3 à Divonne-les-Bains (Ain) ou Cabrières (Gard), à 7,05 €/m3 à  Plouha (Côtes-d’Armor). Soit un rapport, sur ce seul échantillon, de 1 à 3, voire de 1 à 5 si l’on intègre les communes sans assainissement collectif.

3 - Moins on consomme, plus c’est cher au litre

Les écarts, déjà importants, se creusent encore plus lorsqu’on prend en compte non pas la consommation théorique de 120 m3, mais la consommation réelle. Chaque facture comprenant une part fixe liée à l’abonnement, moins vous utilisez d’eau, plus vous payez cher au litre ! Sur la base des 4 000 factures que nous avons analysées, le prix total au mètre cube réellement payé par l’usager est le suivant :
  • 5,40 €/m3 pour ceux qui consomment moins de 30 m3 ;
  • 3,80 €/m3 de 31 à 60 m3 ;
  • 3,39 €/m3 entre 61 et 90 m3 ;
  • 3,23 /m3 de 91 à 120 m3 ;
  • 3,08 €/m3 de 121 à 150 €/m3.
À part ça, on nous dit que le tarif dégressif de l’eau est interdit. Cherchez l’erreur… Et demandez-vous comment inciter les usagers à préserver la ressource, si chaque litre économisé se traduit par une augmentation de son prix unitaire.

4 - Les résidences secondaires, un problème pas secondaire

Dans les résidences secondaires, la consommation est souvent dérisoire, puisque le logement n’est occupé que quelques semaines par an, mais la facture ne l’est pas. Cela n’est pas totalement illogique, puisqu’en s’abonnant au service de l’eau, on paie la possibilité, 24 h sur 24, d’ouvrir son robinet et de voir couler de l’eau potable. Pour cela, il faut des infrastructures permanentes, même si le service n’est utilisé qu’une semaine par mois.
Sauf que, parfois, on atteint de véritables sommets tarifaires. Nous avons ainsi reçu une facture de 300 € au Monêtier-les-Bains (Hautes-Alpes) pour une consommation… de 0 m3. En moyenne, dans notre base de données, le prix total payé par les personnes consommant moins de 5 m3 (une centaine de factures sur 4 000) est de 20 € le m3. On est loin des 3 € et quelques le mètre cube, présentés dans toutes les statistiques officielles !

5 - Les factures sont loin d’être limpides

Les 220 factures que nous avons examinées à la loupe sont globalement conformes à l’arrêté de 1996 qui les réglemente (même si elles sont seulement 9 % à être totalement conformes). Mais entre la conformité et la lisibilité, il y a un pas que les opérateurs ont du mal à franchir !
Certaines font état d’une augmentation en cours d’année, mais sans donner de dates. D’autres facturent par tranches de consommation, mais sans préciser lesquelles.

6 - Certaines injustices sont mal vécues

Avec près de 200 € par habitant et par an, les sommes consacrées au service de l’eau sont loin d’être négligeables, et de nombreux foyers peinent à régler leurs factures. Quand, en plus, ils se trouvent face à un opérateur qui leur envoie des courriers impersonnels, on arrive vite chez Kafka.
Il y a ceux qui paient pour l’assainissement alors que leur hameau n’est pas raccordé au réseau, ceux qui se voient infliger systématiquement des pénalités de retard… Autant de mésaventures ressenties comme des injustices, et qui alimentent le sentiment sourd que le buveur d’eau est parfois pris pour une vache à lait.

7 - Et la transparence s’arrête au pied des immeubles

Plus de 40 % des Français vivent en habitat collectif, qu’ils soient locataires ou copropriétaires. Parmi eux, seule une minorité dispose d’un véritable compteur individuel et donc d’un contrat à son nom.
La plupart du temps, la connaissance des dépenses en eau se limite à une vague ligne dans les charges récupérables. Le premier des droits du consommateur n’est-il pourtant pas le droit à l’information ?





À l’issue de cette première phase de l’opération transparence, 60 millions de consommateurs et France-Libertés demandent  :
  • des factures plus compréhensibles, avec une révision de l’arrêté de 1996 qui les encadre ;
  • des tarifs plus équitables, avec l’instauration d’un tarif social et la généralisation d’une véritable progressivité des tarifs du service de l’eau ;
  •  que la loi oblige les collectivités à transmettre les indicateurs clés de performance à l’Observatoire national de l’eau, pour que la transparence soit effective sur l’ensemble du territoire ;
  • un état des lieux des investissements qui auraient dû être consacrés à la rénovation des canalisations, et qui ne l’ont pas été.


Pour en savoir plus sur les différentes composantes d'une facture d'eau:
* voir la plaquette éditée pat l'observatoire gouvernemental de l'eau:
http://www.scribd.com/doc/98230768/Plaquette-OBS-FACTURE-Eau
* Une étude critique  de "Que choisir" sur les coûts des 8 étapes du cycle de l'eau , du captage à l'évacuation des eaux usées: http://www.scribd.com/doc/105949896/etude-UFC-marges-de-l-eau
* Pour mieux comparer notre situation avec celle des autres collectivités, feuilleter le rapport 2011 de l'Agence Eau Seine Normandie sur le prix de l'eau; http://www.eau-seine-normandie.fr/fileadmin/mediatheque/Expert/Prix_de_leau/aesn_observprixeau2011_vdef.pdf
ou la synthèse nationale en 4 pages du rapport de l'observatoire national des services publics de l'eau et de l'assainissement (ONEMA) : synthèse nationale des rapports annuels sur l'eau et l'assainissement

La nécessité d'y voir clair a conduit notre atelier-citoyen à organiser une audition et un débat public sur la question de la facture d'eau le Samedi 13 octobre 2012 à Bretigny sur Orge (voir article du blog du 2 octobre à ce sujet) . A ne pas manquer!

mardi 8 mai 2012

CCSPL: une commission pour rien ou un outil utile?

 Concertation avec les habitants, consultation des associations: les textes officiels sont nombreux pour préciser les obligations des pouvoirs publics sur ce plan. Ces textes se veulent  une  réponse à la crise de confiance et à la prise de distance d'un nombre croissant de citoyens à l'égard des élus politiques et institutions politiques. Officiellement, la plupart des projets et des réalisations de l'Etat ou des collectivités locales donnent lieu à des consultations préalables ou des comptes rendus d'activités. Ces obligations sont encore renforcées pour les travaux ou services confiées aux entreprises privées.

Si l'intention est positive,  la réalité est parfois beaucoup moins reluisante:  commissions rabougries ou pléthoriques, désignation des membres au bon vouloir des autorités, plus enclines à choisir des béni-oui-oui que des trouble-fêtes qui posent les questions qui fâchent, ordres du jour et débats verrouillés, documents indéchiffrables sauf par les spécialistes, sentiment que les jeux sont faits d'avance....,  les militants associatifs ou simples citoyens qui se  portent volontaires et s'impliquent dans des instances de concertation locales, se sont souvent découragés et s'en sont éloignés, faute d'avoir pu y faire prendre en compte des attentes des avis différents. Alors, le jeu en vaut-il la chandelle?

Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale, ont dû, il y a 20 ans, créer des commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL), pour examiner les projets de délégation de services publics et contrôler les prestations des entreprises délégataires, notamment dans le domaine de l'eau ou des déchets. Dans un secteur entaché en 1992 de nombreux scandales (corruption, contrats trop longs, tarifs abusifs, marchés truqués), les CCSPL devaient obliger les élus et les entreprises à rendre des comptes et apporter plus de transparence dans les prestations fournies et les tarifs fixés. selon les textes, elle examinent un  rapport très détaillé sur les activités sous-traitées, qu'il s'agisse des dépenses et recettes, de l'entretien des réseaux, des mesures prises pour préserver la qualité écologique et sanitaire des captages, ou encore des mesures sociales prises pour garantir l'accès de tous à l'eau.

 Pourtant sur le terrain, 20 ans plus tard, rares sont les CCSPL, dont les discussions et les investigations vont au-delà du minimum légal ,soit une ou 2 réunions par an pour une présentation sans débats  du rapport annuel des délégataires des services publics locaux privatisés. Plus rares encore sont les CCSPL qui disposent de moyens pour faire connaitre leurs travaux et qui donnent aux habitants un vrai droit de regard et d'intervention sur la qualité et le prix du service.

La CCSPL de la Communauté d'Agglomération du Val d'Orge n'échappe pas jusqu'alors à cette approche timorée de la concertation: combien d'habitants en connaissent l'existence, la composition, combien ont eu écho (par la presse locale, lors de réunions) de ses réunions, de ses observations sur les activités qu'elle contrôle? la réponse est dans la question. il y a urgence à changer la donne.  Au moment où grandit l'exigence populaire d'affranchir la gestion de l'eau potable des impératifs financiers des multinationales, alors que les dirigeants de l'agglomération affirment vouloir des choix en toute transparence en ce domaine, est-ce logique de dédaigner à ce point  la CCSPL qui doit garantir le droit de contrôle des usagers sur ces activités?

 Notre Atelier E.A.U.  s'est interrogé:  notre priorité étant d'aller vers les habitants et de leur permettre d'intervenir pour se réapproprier la gestion de l'eau, n'est-ce pas de l'énergie et du temps perdus d'investir une Commission confidentielle, d'éplucher des rapports rédigés pour noyer les données essentielles? Sans illusion, nous avons pourtant décidé  d'exiger l'élargissement de la composition  de la CCSPL et la réactivation de ses travaux. Pour 2 raisons
- A la lumière de l'expérience d'autres collectivités où les représentants des associations et habitants dans les CCSPL ont pu faire, grâce aux documents obtenus,  la lumière sur les carences et inconvénients de la gestion privée des services publics de l'eau, alerter la population,  et promouvoir ainsi  l'enjeu d'une reprise de cette gestion, 
- Tout ce qui sera semé  aujourd'hui  pour renforcer la participation des usagers au contrôle et à l'amélioration des services de l'agglomération du val d'Orge, sera autant d'acquis demain pour que  la gestion directe de ces services publics  se fasse en toute transparence et en pleine démocratie.

dessin de Faujour paru dans le dossier sur l'eau du journal du Conseil Général de l'Essonne - Mars 2012
Pour en savoir plus sur les prérogatives de la CCSPL et sur les rapports qu'elle doit examiné , selon le CGCT (code général dessides collectivités territoriales) :
http://www.scribd.com/doc/88586604/CCSPL-rapport-annuel-du-delegataire-textes-officiels
Pour prendre connaissance du courrier adressé par notre atelier au président de l'Agglomération sur la CCSPL : http://www.scribd.com/doc/92798970/demande-elargissement-CCSPL

samedi 5 mai 2012

Une Projection-Débat animée le 3 mai à Bretigny sur Orge

Après la soirée -débat organisée à Morsang sur Orge le 22 mars à  l'occasion de la journée mondiale de l'eau, l'atelier citoyen EAU du Val d'Orge a convié tous  les  valdorgiens intéressés,  à une nouvelle projection- débat à partir du film "Water makes money", un film de Leslie Franke et Herdolor Lorenz qui reste une référence pour comprendre comment les multinationales s'y prennent pour transformer l'eau en argent et notre démocratie en marchandise.

JEUDI 3 MAI A 20H30
au Cinéma 220 de Bretigny sur Orge
dans le cadre du cycle cinéma et environnement

Cette soirée, étaient organisée en partenariat avec l'ADEMUB (association pour la défense de l'environnement et la maîtrise de l'urbanisation à Brétigny). Son président Dominique DEBOISE a su animer avec brio des débats permettant  d'éclairer les enjeux de la production et de la distribution de l'eau potable et de préciser les échéances des décisions à prendre dans le val d'orge pour une réappropriation publique de sa gestion.
 Jean-Luc Touly, Conseiller régional, membre de la fondation France-Liberté et spécialiste de la question s'était excusé, sollicité le même soir pour une émission télé sur les "lanceurs d'alerte". en son absence,  le débat a bénéficié des apports d'Alex Nikichuk, Brétignolais qui, avec l'association ATTAC, a fait partie des pionniers de la bataille engagée en France pour dénoncer les méfaits des multinationales de l'eau et encourager à s'affranchir de leurs domination. Jean-Luc Richard a présenté et expliquer la démarche de notre atelier-citoyen. La cinquantaine de participants ont témoigné, par leur intérêt diversité de leurs questions, pendant près de 2 heures,  la pluralité des préoccupations (environnement, justice sociale, démocratie locale...) qui invitent aujourd'hui à s'impliquer sur ce thème de l'eau, bien commun.

Pour en savoir plus sur le film dont la création et le financement et la diffusion ont été une véritable oeuvre collective: http://www.watermakesmoney.com/
pour éditer l'invitation de l'ADEMUB en version imprimable, cliquez ici: tract d'invitation de l'ADEMUB

Et pour ceux qui souhaiterait visionner le film "water makes money" en version intégral , rappelons qu'il est toujours visible sur notre blog par le lien suivant: http://ateliercitoyen-eauduvaldorge.blogspot.fr/2011/07/le-film-water-makes-money.html